Mite me in the dark : À la découverte des papillons de nuit en Ville de Genève
Projet ayant fait l’objet de l’aide financière du service Agenda21 – G’innove de la Ville de Genève
Bilan des 20 soirées d’animations
Démarche
Un cycle d’animations dans les parcs de la Ville de Genève a eu lieu à l’été 2023, reposant sur la méthode traditionnelle pour l’observation et le recensement des papillons de nuit : un drap clair suspendu verticalement dans un espace sombre, éclairé par une lampe à LED. Placé dans les parcs par une belle soirée d’été, le dispositif est intriguant. Les papillons s’y installent doucement pour quelques temps, sont observés, identifiés et recensés.
On parle des menaces pesant sur les insectes nocturnes, les actions concrètes pouvant être mises en place (à son échelle, à celle de la ville, l’importance des parcs urbains pour la faune, etc.), l’importance de la prospection et de la science participative, avec un encouragement à s’impliquer dans la vigilance citoyenne ou la prospection des petites bêtes. Les papillons au drap ne sont pas manipulés mais simplement observés : ils peuvent retourner vaquer à leurs occupations à la fin de l’événement, le dérangement aura été de courte durée.
Fréquentation
Une vingtaine de personnes et une vingtaine d’espèces de papillons étaient présentes en moyenne par soirée d’animation, avec de fortes fluctuations d’un événement à l’autre. Ces variations étaient vraisemblablement liées aux parcs et aux conditions météo. Si un seul passant traversait le parc Beaulieu le 2 août après un orage court mais très intense, une cinquantaine de personnes s’attardait au drap fin août à la Perle du Lac. De manière amusante, des variations observées côté papillons de nuit étaient du même ordre de grandeur : seules 4 espèces se présentaient une nuit pluvieuse et venteuse au Jardin anglais fin août, mais une cinquantaine étaient présentes au bois de la Bâtie mi-juillet et début août.
Globalement, trois parcs étaient les plus propices pour nos animations : le Bois de la Bâtie, le Parc Bertrand et la Perle du Lac. À l’inverse, le Jardin anglais, bien que fortement fréquenté, hébergeait une biodiversité très faible, et le parc Malagnou, celui de Beaulieu et celui des Eaux-Vives, bien qu’ayant un potentiel intéressant pour la faune, étaient peu fréquentés de nuit par les humains.
Parc | Nombre de participant-e-s | Nombre d’espèces de papillons de nuit |
---|---|---|
Bois de la Bâtie (3 nuits) | 58 | 111 |
Jardin anglais (3 nuits) | 86 | 15 |
Parc Beaulieu (3 nuits) | 40 | 41 |
Parc Bertrand (3 nuits) | 69 | 100 |
Parc des Eaux-Vives (2 nuits) | 33 | 47 |
Parc Malagnou (3 nuits) | 29 | 80 |
Perle du Lac (3 nuits) | 72 | 37 |
Total | 387 personnes | 175 espèces différentes |
Animaux observés
Papillons de nuit
Au moins 175 taxons, souvent identifiés à l’espèce (et considérés comme tels par la suite), appartenant à 29 familles différentes ont pu être documentés lors des 20 soirées d’observations dans les parcs de la Ville de Genève. Cela représente 9 % de la diversité d’espèces connue du canton, un chiffre non négligeable compte-tenu du faible nombre de soirées de prospections (dont certaines très peu propices à un échantillonnage efficace, mais maintenues car annoncées de longue date), et du contexte fortement perturbé des zones environnant les parcs. L’intérêt de ces prospections pour la connaissance de la faune genevoise est en outre corroboré par la présence de sept espèces jusqu’alors absentes des listes cantonales, en plus de nombreuses autres rares ou peu communes.
En tout, 112 espèces de grands papillons de nuit (« macrohétérocères ») se répartissaient dans les familles suivantes : 42 Noctuidae, 21 Crambidae, 19 Geometridae, 15 Pyralidae, 7 Erebidae, 3 Notodontidae, 1 Cossidae, 1 Drepanidae, 1 Hepialidae, 1 Lasiocampidae, 1 Sphingidae. S’y ajoutaient 63 espèces de petits papillons de nuit (« microlépidoptères ») ainsi répartis : 23 Tortricidae, 6 Gelechiidae, 6 Gracillariidae, 5 Oecophoridae, 5 Tineidae, 4 Yponomeutidae, 2 Nepticulidae, 2 Pterophoridae, 1 Alucitidae, 1 Argyresthiidae, 1 Autostichidae, 1 Blastobasidae, 1 Coleophoridae, 1 Depressariidae, 1 Momphidae, 1 Peleopodidae, 1 Plutellidae, 1 Scythrididae.
Une liste annotée complète est téléchargeable ici : Mite me in the dark – Liste des papillons de nuit observés.
Autres groupes observés
D’innombrables insectes d’autres groupes ont aussi pu être observés lors des soirées d’animation, notamment des nuées de chironomes (petits moucherons pouvant localement pulluler), des trichoptères et des éphémères (des points d’eau pour les larves se trouvant à proximité de plusieurs sites d’observation), de nombreuses espèces de coccinelles attirées par les UVs, ou des frelons européens venant parfois gâcher la fête en fin d’été.
Parmi les espèces les plus remarquables pour le public (bizarres et peu communes), on retiendra le Prione ermite Aegosoma scabricorne, un énorme coléoptère observé au Parc Bertrand puis au Bois de la Bâtie, le Clyte frelon Plagionotus detritus, un gros coléoptère jaune et noir aux immenses antennes, et le Fulgore d’Europe Dictyophara europaea, un étrange insecte vert au museau pointu et aux ailes transparentes, ces deux dernières espèces ayant été vues aussi au Bois de la Bâtie.
Concernant les groupes plus susceptibles d’intéresser le spécialiste que le grand public, les animations ont encore permis de documenter la présence de deux névroptères jusqu’alors inconnus du canton de Genève, de 8 espèces de cicadelles (de petits insectes sauteurs), et d’une punaise de la famille des miridés s’ajoutant également aux listes cantonales.
Parmi les groupes plus inattendus, nous avons aussi eu le droit au passage d’un Renard roux Vulpes vulpes au Parc Bertrand, ou pu longuement profiter de la présence de Campagnols des champs Microtus arvalis et d’un Mulot à collier Apodemus flavicollis à la Perle du Lac.
Valorisation des données faunistiques
L’ensemble des données correspondant à des groupes taxinomiques couverts par la plateforme www.faunegeneve.ch ont été déposées sur cette base de données cantonale. La présence sur cette base permet aux données de remonter aux bases nationales et d’être ainsi finalement prises en compte plus largement (vision globale de la biodiversité, prise en compte de l’information lors de projets d’aménagement, etc.). Les mailles kilométriques comprenant les parcs les plus diversifiés (Bâtie, Bertrand, Malagnou), ont toutes été enrichies de 60 à 80 espèces supplémentaires par rapport aux données qui avaient pu être accumulées jusqu’alors. L’importance de ces parcs comme hotspots de biodiversité est donc appuyée par ces recensements.
Rares ou banales, plus de 700 observations – dont plus de 500 concernant des papillons de nuit – ont fait l’objet de photographies et ont été déposées dans le cadre de ce projet sur la plateforme de sciences participatives iNaturalist. Elles sont librement consultables, et les photos librement réutilisables :
Remerciements
Ce projet a été subventionné par la Ville de Genève, via le programme G’innove du service Agenda21 – Ville durable ; nous les remercions pour le soutien financier indispensable à l’organisation de ces événements.
Les animations ont aussi bénéficié du soutien de plusieurs autres services, quant aux aspects organisationnels et de sécurité. Nous remercions ainsi le Service des espaces verts et la Police municipale. Le Muséum d’histoire naturelle de la Ville de Genève a apporté son soutien logistique pour la réalisation des panneaux d’information utilisés lors des animations.
Nous remercions encore l’Office cantonal de l’agriculture et de la nature qui ont délivré les autorisations de capture cantonales. Les responsables du projet remercient enfin les intervenant-e-s les ayant assisté lors des soirées d’animation : Augustin Cattaneo, Lucie Cauwet, Marie Pauli et Yvan Papa. Ce dernier a également mis à disposition son matériel de macrophotographie pour une bonne partie des photos d’espèces effectuées.