Odonates


Les Odonates forment un ordre d’insectes assez diversifiés, communément appelés libellules et demoiselles, tous normalement trouvés près de l’eau. Ce sont des prédateurs aux gros yeux à facettes, avec quatre grandes ailes membraneuses et un long corps généralement effilé. Les larves, aquatiques, portent un masque facial qu’elles déploient pour attraper leurs proies.

Écologie

Les Odonates vivent dans une grande diversité d’habitats aquatiques, incluant les étangs, les lacs, les rivières, les ruisseaux, les marais, les mares, et les fossés. Pour pondre, ils préfèrent souvent les eaux stagnantes où leurs larves trouveront une abondance de proies, telles que les larves d’autres insectes aquatiques, des têtards ou des alevins. Les adultes, et notamment les libellules au vol puissant, peuvent être observés en chasse dans des environnements plus variés, y compris dans les prairies humides, les lisières de forêts ou dans les jardins.

Les accouplements donnent parfois lieu à des vols en tandem, ou ont lieu dans la végétation, toujours en position de « roue » ou de « cœur copulatoire ». Le mâle transfère son sperme depuis le bout de son abdomen jusqu’au niveau de ses organes copulateurs, situés à la base de son abdomen. Il maintient la femelle en la serrant au niveau de la tête ou du thorax à l’aide de pièces anales, puis celle-ci vient récupérer la semence avec l’extrémité de son abdomen à la base de l’abdomen du mâle. Ce dernier nettoie parfois la cavité spermatique de la femelle afin d’augmenter ses chances de paternité sur la descendance.

Diversité locale

Une petite soixantaine d’espèces sont recensées dans le bassin genevois (Monnerat et al. in Merz, 2012 ; Lamouille-Hébert, 2020 ; Leclerc, 2023). Deux sous-ordres sont représentés :

  • Anisoptera (37 espèces), les « libellules » au sens large, réparties dans les familles suivantes :
    • Aeshnidae (9 espèces d’æschnes)
    • Cordulegastridae (2 espèces de cordulégastres)
    • Corduliidae (2 espèces de cordulies)
    • Gomphidae (4 espèces de gomphes)
    • Libellulidae (20 espèces de libellules, leucorrhines, crocothémis, orthétrums et sympétrums)
  • Zygoptera (22 espèces), les « demoiselles » au sens large, dans les familles suivantes :
    • Calopterygidae (3 espèces de caloptéryx)
    • Coenagrionidae (13 espèces d’agrions)
    • Lestidae (6 espèces de lestes)
    • Platycnemidae (1 espèce, l’Agrion à larges pattes)
Caloptéryx éclatant Calopteryx splendens (Calopterygidae)
CC-BY-NC Manuel Schwarz

Sympétrum déprimé Sympetrum depressiusculum (Libellulidae)
CC-BY Samuel Guiraudou
Cordulégastre annelé Cordulegaster boltonii (Cordulegastridae)
CC-BY Diego Rubolini

Menaces et protection

En tant que groupe bien connu, les Odonates disposent de listes rouges et de statuts de menaces à différents niveaux administratifs : pour la Suisse (Monnerat et al., 2021) et le le seul canton de Genève (Carron & Wermeille, 2009), la Haute-Savoie (Lamouille-Hébert, 2020), l’Ain et à l’échelle du département Rhône-Alpes (Deliry, 2013). À ces différentes échelles, une espèce sur deux est généralement en déclin ou menacée de disparition.

La destruction massive aux siècles derniers et la modification des milieux aquatiques sont les principales causes de déclin des Odonates. Les espèces liées aux hauts et bas-marais sont parmi les plus menacées (drainage, canalisation, apports d’engrais, piétinement, embroussaillement, empoissonnement, etc.), mais celles liées aux petits cours d’eau ou aux rives lacustres restent également sensibles aux activités humaines (changement des régimes de crues, rectification des cours d’eau, reboisement des rives, eutrophisation de l’eau, etc.).

En France, certaines espèces font l’objet d’un Plan national d’action en faveur des Libellules 2020-2030. Dans ce cadre, de nombreuses ressources concernant leur biologie, les menaces pesant sur elles et les mesures à même de les préserver sont mises à disposition (https://libellules.pnaopie.fr/).

Étude des Odonates

Méthodes

Les Odonates représentent l’un des groupes d’insectes dont l’étude est des plus abordables. Leur grande taille et leurs habitudes de chasse les rendent facile à observer, et l’observation directe (éventuellement aux jumelles) ou la photographie est souvent suffisante pour reconnaître les espèces. Même quand la capture au filet est nécessaire pour certains groupes d’espèces difficiles, la détermination est toujours possible sur le terrain sans nécessité de collecter des spécimens. Certaines espèces chassant au milieu des grandes rivières sont pratiquement jamais observées à l’état adulte, mais les exuvies accrochées à la végétation trahissent leur présence et permettent leur inventaire.

Les ressources bibliographiques et numériques pour l’identification des larves et des adultes sont nombreuses, à jour et accessibles (voir Ressources pour l’identification).

Dans le bassin genevois

Si des synthèses pour les Odonates de Suisse romande paraissent à la fin des années 1970 (Dufour, 1978 ; Maibach, 1983 ; Lüthi, 1987), les premiers travaux de prospections à fins d’inventaire pour le canton de Genève sont plus récents (Oertli & Pongratz, 1996). La liste est mise à jour en 2012 (Monnerat et al. in Merz, 2012) mais plusieurs autres espèces y ont été ajoutées depuis grâce aux prospections de nombreux naturalistes, notamment David Leclerc. Le groupe taxinomique est régulièrement pris en compte pour le suivi et la gestion des milieux aquatiques par les services cantonaux genevois.

Dans la partie française du bassin genevois, l’histoire de l’odonatologie est brièvement retracée pour la Haute-Savoie par Cyrille Deliry (in Lamouille-Hébert, 2020). Autour du milieu du 19e siècle, de premières mentions faunistiques sont trouvées chez Edmond de Sélys Longchamps, et une courte liste d’espèces est publiée par Joseph Dessaix. En 1899, Eugène Pittard documente la faune odonatologique des environs du Salève. L’acquisition de données faunistiques en nombre commence dans les années 1970 avec les prospections de Charles Degrange, Jacques Bordon et Denis Jordan. Le groupe « Sympetrum » voit le jour à la fin des années 1980, centralisant dès lors les données et permettant la publication des premières synthèses (Loose & Deliry, 1987). Un Atlas des Odonates de Haute-Savoie est publié en 2020 (Lamouille-Hébert, 2020). Pour la faune de l’Ain, une liste départementale est publiée dans le cadre d’une liste rouge (Deliry, 2013).

Libellule déprimée Libellula depressa (Libellulidae)
CC-BY Donald Davesne

Leste sauvage Lestes barbarus (Lestidae)
CC-0 Gilles San Martin
Gomphe à pinces Onychogomphus forcipatus (Gomphidae)
CC-BY Julia Wittmann

Ressources pour l’identification

Boudot J.-P., Doucet G. & Grand D. (2019). Cahier d’identification des libellules de France, Belgique, Luxembourg et Suisse. 2ème édition. Biotope, 152 pp. [livre récent et exhaustif, clefs d’identification illustrées pour larves et adultes]

Références

Boudot J.-P. & Kalkman V. (2015). Atlas of the European dragonflies and damselflies. KNNV Publishing, Pay-Bas, 381 pp.

Carron G. & Wermeille E. (2009). Livre rouge des insectes du bassin genevois. Papillons de jour · Libellules · Orthoptères. Risques d’extinctions. Espèces prioritaires. Rapport scientifique pour l’État de Genève, Direction générale de la Nature et du Paysage, Genève, 50 pp.

Deliry C. (2013). Liste Rouge des Odonates de Rhône-Alpes & Dauphiné 2013. Col. Concepts & Méthodes, Groupe Sympetrum, Histoires Naturelles, no 25 bis

Dufour C. (1978). Étude faunistique des Odonates de Suisse Romande. Conservation de la faune et Section protection de la nature et des sites du canton de Vaud, Lausanne, 226 pp.

Lamouille-Hébert M. (2020). Atlas des Odonates de Haute-Savoie. France nature environnement Haute-Savoie & Groupe pour la recherche et la protection des libellules Sympetrum, 53 pp.

Leclerc D. (2023). Observation FauneGenève no 1024384. Consulté en décembre 2023.

Loose D. & Deliry C. (1987). Les libellules dans les Alpes du Nord. Martinia 5: 26–27.

Lüthi A. (1987). Contribution à un inventaire des libellules du Canton de Genève. Bulletin romand d’Entomologie 5: 17–38.

Maibach A. (1983). Odonates de rivières en Suisse romande : répartition et menaces de disparition. Bulletin romand d’Entomologie 1: 155–166.

Monnerat C., Leclerc D., Lézat S. & Oertli B. (2012). Ordre Odonata (pp. 35–38). In: Merz B. (ed.). Liste annotée des insectes (Insecta) du canton de Genève. Muséum d’histoire naturelle, Genève, Instrumenta Biodiversitatis 8, 532 pp.

Monnerat C., Wildermuth H. & Gonseth Y. (2021). Liste rouge des Libellules. Espèces menacées en Suisse. L’environnement pratique no 2120, 72 pp.

Oertli B. & Pongratz E. (1996). Les Odonates (Libellules) du canton de Genève. Atlas de répartition et mesures de conservation. Centre suisse de cartographie de la faune, Neuchâtel, Miscellanea Faunistica Helvetiaea 5, 115 pp.