Myriapodes


Les Myriapodes, ou « mille-pattes » au sens large, sont répartis en quatre classes : les Diplopodes (avec deux paires de pattes par diplosegment), les Chilopodes (avec une paire de pattes par segment et des forcipules), les Pauropodes (aux grandes plaques dorsales et aux antennes triramées) et les Symphyles (ayant 12 paires de pattes mais davantage de plaques dorsales).

Écologie

Les Myriapodes sont généralement actifs de nuit, et sont trouvés dans la plupart des milieux terrestres, souvent mais pas exclusivement dans les micro-habitats relativement humides. Ils vivent typiquement dans le sol, parmi la litière, sous les rochers, l’écorce des troncs. Certaines espèces sont trouvées jusque dans les milieux urbanisés, voire dans les habitations humaines.

La majorité des Diplopodes sont des décomposeurs se nourrissant de débris végétaux, de champignons ou de déjections. Les Chilopodes sont des prédateurs d’autres invertébrés qu’ils attrapent à l’aide de leurs crochets à venins. Les minuscules Pauropodes (de l’ordre du millimètre) et les petits Symphyles (quelques millimètres tout au plus) appartiennent à la faune du sol et se nourrissent de champignons, de matière végétale ou de matière organique en décomposition.

Diversité locale

Il est probable qu’une centaine d’espèces de Myriapodes vivent dans le bassin genevois. D’après les bases faunistiques mondiales, au moins une quarantaine de Diplopodes et une trentaine de Chilopodes sont connus de la région (GBIF, 2023), mais ces chiffres sont probablement largement inférieurs à la diversité réelle. S’y ajoutent une dizaine de Pauropodes (Gisin, 1947, 1954) et quatre Symphyles (Gisin, 1949) rapportés de Genève au siècle dernier, mais aucun travail récent sur ces groupes n’existe. À l’échelle suisse, on estime que 200 espèces de Myriapodes vivent dans le pays (Forum Biodiversité Suisse, 2002), dont 125 Diplopodes (Gilgado, 2020) et 62 Chilopodes (Stöckli, 2009) listés dans les dernières décennies.

Les Diplopodes du bassin genevois se répartissent parmi les polydesmides (ordre des Polydesmida ; une quinzaine d’espèces), les iules (Julida ; une quinzaine d’espèces), les Chordeumatida (six espèces), les gloméris (Glomerida ; cinq espèces) et les Polyxenida (une seule espèce). Les Chilopodes sont représentés par les lithobies (Lithobiomorpha ; une vingtaine d’espèces), les géophiles (Geophilomorpha ; une dizaine d’espèces), les scutigères (Scutigeromorpha ; une seule espèce) et les scolopendres (Scolopendromorpha ; trois espèces).

Quelques espèces exotiques sont susceptibles d’être accidentellement introduites. Le seul cas avéré est actuellement celui du mille-pattes des serres Oxidus gracilis qui pullule localement en milieu urbain, mais les Myriapodes restent globalement un groupe négligé en ce qui concerne l’évaluation de leur potentiel invasif (OFEV, 2022).

Le diplopode Polyxenus lagurus (Polyxenidae)
CC-0 carnifex

Scutigère véloce Scutigera coleoptrata (Scutigeridae)
CC-BY-SA Franco Folini
Gloméris marginé Glomeris marginata (Glomeridae)
CC-BY Carlos Muñoz-Amezcua
Le diplopode Oxidus gracilis (Paradoxosomatidae)
CC-BY Adrien Nouailhane

Menaces et protection

Aucun travail n’est disponible concernant l’état de menace des Myriapodes dans le bassin genevois. Une liste rouge des Chilopodes pourrait être établie pour la France métropolitaine dans les années à venir (Iorio et al., 2023). Parmi les espèces particulières trouvées dans le bassin genevois, on pourra citer les endémiques des Alpes et Préalpes françaises comme la Lithobie de Delfosse Lithobius delfossei et la Lithobie de Steffen L. steffeni.

Étude des Myriapodes

Certaines grosses espèces sont facilement observables de nuit, et la recherche d’individus peut sinon être faite à vue dans les micro-habitats favorables, éventuellement à l’aide d’outils pour creuser le sol et écorcer les arbres. L’utilisation de tamis de Winkler peut permettre de trouver les espèces de la litière, et l’appareil de Berlese de récupérer les petites espèces endogées. Le piégeage Barber, généralement utilisé pour d’autres groupes, livre également quelques espèces.

La détermination des espèces est affaire de spécialistes et nécessite souvent la collecte d’individus adultes et un examen à la loupe binoculaire. D’excellentes ressources accessibles en ligne existent désormais pour l’identification des Chilopodes de la région (voir Ressources pour l’identification). L’identification des Diplopodes est délicate pour la plupart des ordres et nécessite le recours à une littérature spécialisée et disparate. Elle se fait plus facilement sur les spécimens mâles puisqu’elle repose souvent sur l’étude des gonopodes présents sur le septième diplosegment, mais certains groupes, comme les gloméris, sont assez abordables. Les Pauropodes et Symphyles sont globalement peu étudiés et leur identification ne peut être réalisée qu’avec de sérieuses recherches bibliographiques.

Les prospections récentes sont peu nombreuses, mais un projet d’amélioration des connaissances sur les Chilopodes existe dans la région, avec des experts identifiés pouvant être contactés.

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Ressources pour l’identification

Chilopodes

Bonato L., Minelli A., Lopresti M. & Cerretti P. (2014). ChiloKey, an interactive identification tool for the geophilomorph centipedes of Europe (Chilopoda, Geophilomorpha). ZooKeys 443: 1-9. Lien vers la clef interactive en ligne : ChiloKey. [clef interactive (en anglais) d’abord complexe mais accompagnée d’un glossaire illustré]

Brolemann H.W. (1930). Éléments d’une faune des myriapodes de France. Chilopodes. Faune de France 25, Imprimerie Toulousaine, Toulouse ; P. Lechevalier, Paris, 405 pp. [ouvrage ancien (en français) mais plutôt bien illustré ; à compléter par la consultation des mises à jour taxinomiques ultérieures]

Iorio É., Labroche A. & Jacquemin G. (2022). Les chilopodes (Chilopoda) de la moitié nord de la France : toutes les bases pour débuter l’étude de ce groupe et identifier facilement les espèces. Version 2. Document inédit basé sur la première version parue dans la revue Invertébrés Armoricains no 13 (épuisée), 90 pp. [publication en ligne (en français) accessible, à jour et richement illustrée]

Diplopodes

Duborget R. (2017). Clé d’identification des Glomerida de France. Version 2. Document PDF en ligne. [clef illustrée et simplifiée (en français), pour les gloméris (hors cavernicoles) de France]

Hoess R. (2000). Bestimmungsschlüssel für die Glomeris-Arten (Saftkugler) Mitteleuropas und angrenzender Gebiete (Diplopoda: Glomeridae). Jahrbuch des Naturhistorischen Museums Bern 13: 3-20. [clef (en allemand) pour l’identification des gloméris d’Europe centrale]

Sierwald P. (2012). Milli-PEET: Clé illustrée des ordres de Diplopodes. Field Museum, Chicago, 12 pp. [clef simplifiée et illustrée (en français) permettant l’identification à l’ordre]

Références

Forum Biodiversité Suisse (2002). Biodiversité et eaux douces. HOTSPOT 6/02: 1–24.

GBIF (2023). GBIF Occurrence Download. Chilopoda, Diplopoda, Symphyla, Pauropoda du bassin genevois. Consulté en mai 2023.

Gisin H. (1947). Pauropodes de la Suisse. Bulletin de la Société Entomologique Suisse 20(6): 597-604.

Gisin H. (1949). Symphyles de la Suisse. Archives des sciences 2: 182-186.

Gisin H. (1954). Pauropodes nouveaux pour la Suisse (Myriap.). Bulletin de la Société Entomologique Suisse 27(1): 55.

Gilgado J.D. (2020). Hidden in plain sight: six millipede species (Myriapoda: Diplopoda) new for the fauna of Switzerland. Revue suisse de Zoologie 127(2): 249-259.

Iorio É., Carnet M., Cherpitel T., Desmots D., Geoffroy J.-J., Jacquemin G., Quindroit C. & Racine A. (2023). Les Chilopodes de France métropolitaine (Myriapoda, Chilopoda) : liste commentée des espèces avec état des connaissances et proposition de noms français. Naturae 2023(1): 1-20.

OFEV (2022). Espèces exotiques en Suisse. Aperçu des espèces exotiques et de leurs conséquences. 1re édition actualisée 2022. 1re parution 2006. Office fédéral de l’environnement, Berne. Connaissance de l’environnement no 2220, 62 pp.

Stöckli E. (2009). Literature-based survey on the Swiss fauna of Chilopoda. SOIL ORGANISMS 81(3): 647-669.