Les Décapodes forment un ordre de crustacés, dont les représentants locaux sont appelés écrevisses, crabes et crevettes. Ils sont caractérisés, comme leur nom l’indique, par la présence de dix pattes thoraciques, les péréiopodes. La première paire est souvent transformée en pinces, les chélipèdes, qui servent à l’animal pour se défendre ou pour s’alimenter.
Écologie
Les Décapodes de nos régions sont tous aquatiques, trouvés dans les ruisseaux, les canaux, les lacs et autres plans d’eau. Ils sont dépendants d’eaux suffisamment calcaires pour la formation de leur carapace. La plupart des espèces indigènes tendent à préférer les « eaux à truite », de bonnes qualité, claires et bien oxygénées, mais certaines espèces invasives peuvent aussi vivre dans les marais et les étangs plus eutrophisés (Anonyme, 2004 ; Stucki & Zaugg, 2011).
Les écrevisses sont généralement omnivores, se nourrissant à la fois de petits invertébrés et de végétaux variés, en proportion variable selon l’âge et la saison. La crevette est plutôt détritivore, consommant des restes d’animaux, des débris végétaux et des dépôts algaires.
La reproduction des décapodes est sexuée, avec des sexes séparés. La fécondation est généralement externe, et la femelle incube les œufs sous son abdomen jusqu’à l’éclosion. Les larves sont nageuses, et passent par plusieurs stades avant d’atteindre leur forme adulte.
Diversité locale
Il n’existe peut-être que deux espèces de Décapodes proprement indigènes dans le bassin genevois, auxquelles s’ajoute une espèce de la zone méditerranéenne, et surtout plusieurs éléments invasifs menaçant la biodiversité autochtone, introduits pour des raisons culinaires ou par des aquariophiles mal avisés.
Infra-ordre Caridea (crevettes)
Atyidae
- Caridine de Desmarest Atyaephyra desmarestii (accidentelle)
Infra-ordre Astacidea (écrevisses)
Astacidae
- Écrevisse à pattes blanches Austropotamobius pallipes (indigène)
- Écrevisse à pattes rouges Astacus astacus (considérée indigène, probablement introduite d’Europe du Nord au Moyen-Âge)
- Écrevisse signal Pacifastacus leniusculus (invasive d’Amérique du Nord)
- Écrevisse à pattes grêles Pontastacus leptodactylus (invasive d’Europe de l’Est)
Cambaridae
- Écrevisse américaine Faxonius limosus (invasive d’Amérique du Nord)
Infra-ordre Brachyura (crabes)
Varunidae
- Crabe chinois à mitaines Eriocheir sinensis (accidentel)
La Caridine de Desmarest est une crevette méditerranéenne étendant son aire vers le nord et l’est, il n’est pas sûr qu’elle soit invasive ou en voie de recolonisation de l’Europe. Signalée de Thonon-les Bains dans les années 1970, elle n’a pas été observée depuis. Le statut du Crabe chinois à mitaines n’est pas clair : il s’agit d’une espèce de Chine ayant colonisé une partie de l’Europe occidentale depuis l’Allemagne où elle a été introduite au début du 20e siècle. Un individu a été vu à Genève en 2020 mais l’espèce n’est peut-être pas implantée et en régression dans plusieurs de ses anciens bastions (Noël & Breton, 2016). L’Écrevisse de Louisiane Procambarus clarkii espèce d’Amérique du Nord invasive, n’est pas (encore) signalée du bassin genevois mais est très bien implantée en Europe occidentale. L’Écrevisse des torrents Austropotamobius torrentium, en danger critique d’extinction en France et seulement connue du quart nord-est en Suisse où elle est menacée, se trouve en bordure du bassin genevois, dans les Usses (Haute-Savoie).
Menaces et protection
Les principales menaces identifiées pour les écrevisses indigènes sont liées aux espèces exotiques envahissantes (compétition, transmission de maladies), la disparition des berges des cours d’eau et des lacs, la régulation des fluctuations naturelles de niveau des eaux, la pollution des eaux et le captage des sources (info fauna, 2024). Sur Genève, la « peste des écrevisses » (ou aphanomycose) portée par les espèces américaines est responsable par deux fois de la disparition de populations d’Écrevisse à pattes blanches, mais la pollution des eaux y est aussi un problème (Stucki & Zaugg, 2011).
Un Plan d’action écrevisses Suisse a été élaboré par la Confédération helvétique (Stucki & Zaugg, 2011), et un Service Coordination d’Écrevisse Suisse (SCES) existe depuis 2014 pour conseiller et coordonner les actions sur ces espèces. Les écrevisses indigènes sont protégées aussi bien en Suisse qu’en France, et sont des espèces déterminantes ZNIEFF dans ce dernier pays.
L’Écrevisse à pattes blanches est considérée comme en danger d’extinction au niveau mondial, fortement menacée à l’échelle suisse. Sur le canton de Genève et sur Vaud, elle ne subsiste plus que dans les têtes de bassin de petits cours d’eau, où les autres espèces ne remontent généralement pas, ce qui fait que les populations sont généralement petites et isolées les unes des autres. Des programmes de réintroductions et des dispositifs pour empêcher les espèces invasives (notamment l’Écrevisse signal) de remonter les cours d’eau ont été mis en place, mais la situation de l’espèce reste précaire. L’Écrevisse à pattes rouges est considérée comme vulnérable au niveau mondial, menacée à l’échelle suisse et en danger en France. En 2011, un programme de conservation était donné comme en préparation sur le canton de Genève (Stucki & Zaugg, 2011).
Étude des Décapodes
L’identification des espèces d’écrevisses peut se faire facilement su la base de caractéristiques morphologiques externes, notamment sur les chélipèdes ou du céphalothorax.
En raison des problématiques importantes de conservation, l’étude des Décapodes nécessite des précautions de terrain. La pêche des écrevisses indigènes est souvent interdite ou au moins strictement réglementée ; cette protection s’étend à leur milieu de vie (Anonyme, 2004). La désinfection du matériel en contact avec l’eau est impérieuse pour éviter le transport involontaire de pathogènes d’un milieu à un autre. Des conseils pour la destruction des espèces invasives peuvent aussi être trouvés (Meynard, 2011).
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Ressources pour l’identification
Meynard N. (2011). Guide d’identification des écrevisses en France métropolitaine. Fédérations de Lorraine pour la pêche et la protection du milieu aquatique, 15 pp. [guide d’identification en français, illustré, en ligne]
Références
Anonyme (2004). Austropotamobius pallipes (Lereboullet, 1858). L’écrevisse à pattes blanches, l’écrevisse à pieds blancs. In: Bensettiti, F. & Gaudillat, V., Cahiers d’habitats Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 7. Espèces animales. La Documentation française.
info fauna (2024). Écrevisses. info fauna, Centre national de données et d’informations sur la faune de Suisse, Neuchâtel.
Noël P. & Breton G. (2016). Le crabe chinois à mitaines Eriocheir sinensis (H. Milne Edwards, 1853). Inventaire national du Patrimoine naturel, Muséum national d’Histoire naturelle, Paris.
Stucki P. & Zaugg B. (2011). Plan d’action écrevisses Suisse. Programme de conservation de l’écrevisse à pattes rouges, de l’écrevisse à pattes blanches et de l’écrevisse des torrents. Office fédéral de l’environnement, Berne, L’environnement pratique no 1104, 61 pp.
UICN France & MNHN (2014). La Liste rouge des espèces menacées en France. Crustacés d’eau douce de France métropolitaine. Dossier électronique, Paris, France, 24 pp.