Bivalves


Les Bivalves forment une classe de Mollusques reconnaissables à leur corps enveloppé dans un manteau secrétant, sur sa face externe, une coquille composée de deux valves calcaires articulées le long d’une charnière. On trouve localement de grandes moules d’eau douce, de minuscules pisidies, et des espèces exotiques envahissantes : corbicule asiatique, moules zébrée et quagga.

Écologie

Les Bivalves du bassin genevois sont tous entièrement aquatiques, quoique certains puissent survivre à des assèchements temporaires de leur milieu, enfoncés dans le substrat humide et protégés dans leur coquille. Ils respirent en faisant circuler l’eau à l’aide de branchies ciliées. Ils s’alimentent par cette occasion des particules organiques en suspension dans l’eau, et sont pour cette raison considérés comme d’excellents filtreurs de l’eau, participant à la purification de l’eau et au dépôt des vases.

Les grandes moules d’eau douce (Unionidés) ont un cycle reproducteur particulier, puisqu’elles ont besoin d’un poisson hôte aux stades précoces de leur développement. Alors que les larves (appelées glochidies) mesurent encore moins d’un cinquième de millimètre, elles sont mobiles et leurs deux valves sont munies de crochets en leur bord. Elles finissent par être gobées par un hôte et se fixent solidement à ses branchies, où elles s’enkystent pour un temps, avant de se détacher une fois qu’elles ont atteint une taille leur permettant de vivre en sûreté au fond de l’eau. L’interaction biologique entre le bivalve et le poisson ne relève pas nécessairement du parasitisme et certains cas de mutualismes sont avérés. Par exemple, la Bouvière Rhodeus amarus (un poisson) pond ses œufs fécondés à l’intérieur des Unionidés afin que ceux-ci se développent à l’abri des prédateurs (Kupfer & Herold, 2021).

Les pisidies (Sphæriidés) vivent dans la couche supérieure du sédiment où ils abondent parfois. Ils sont connus pour représenter une nourriture prisée des Salmonidés (truites, corégones) et pour intervenir comme hôtes intermédiaires dans le cycle reproductif de nombreux Plathelminthes parasites au cycle aquatique, notamment chez les Trématodes du genre Crepidostomum (Combes et al., 1971).

Diversité locale

Dans la période historique récente, une vingtaine d’espèces de Bivalves sont listées pour la région genevoise, mais certaines espèces n’ont pas été observées depuis de nombreuses décennies. Les espèces recensées se répartissent dans les quatre familles suivantes :

  • Sphaeriidae (14 espèces) : les pisidies, indigènes
  • Unionidae (3 espèces) : les moules d’eau douce, indigènes
  • Dreissenidae (2 espèces exotiques envahissantes) : la Moule zébrée et la Moule quagga
  • Cyrenidae (1 espèce exotique envahissante) : la Corbicule asiatique

Seule la Corbicule asiatique Corbicula fluminea, détectée pour la première fois dans le Léman en 2008, pullule localement ; la Corbicule striolée C. fluminalis, une autre invasive asiatique, n’est à ce jour pas répertoriée dans la région genevoise, mais se trouve non loin dans la Saône et le Rhin (GT IBMA, 2017). La Moule zébrée Dreissena polymorpha est présente dans le Léman depuis 1962 au moins (Binder, 1965), la Moule quagga Dreissena bugensis y est détectée en 2015 (Haltiner et al., 2022).

Pisidie indéterminée (Sphaeriidae)
CC-0 Gilles San Martin

Corbicule asiatique Corbicula fluminea (Cyrenidae)
CC-BY Eleftherios Katsillis
Moule quagga Dreissena bugensis (Dreissenidae)
CC-0 Gilles San Martin

Menaces et protection

La liste rouge des Mollusques de Suisse (Rüetschi et al., 2012) illustre le déclin important de nombreuses espèces de Bivalves au siècle précédent, ainsi que leur niveau de menace actuel puisque 11 espèces sont menacées sur 25 évaluées. Dans le bassin genevois, trois espèces n’ont pas été observées depuis la fin des années 1940 : la Mulette épaisse Unio crassus (au bord de l’extinction) largement répandue en Europe et autrefois commune en Suisse dans chaque pièce ou bras d’eau, l’Anodonte des canards Anodonta anatina (vulnérable) autrefois présente dans tous les lacs et rivières du Plateau, et la Pisidie des collines Euglesa conventus (vulnérable) affectionnant les eaux froides.

La Petite Pisidie Odhneripisidium tenuilineatum (vulnérable) est encore présente dans les eaux agitées et bien oxygénées de la Versoix. Trois pisidies du bassin genevois sont enfin « potentiellement menacées » au niveau suisse : la Pisidie de Lamarck Euglesa obtusalis, qui supporte l’assèchement temporaire de son milieu et trouvée en marge des cours d’eau et des lacs, la Pisidie de vase Pisidium amnicum et la Pisidie septentrionale Euglesa hibernica (ou E. parvula) trouvées dans les lacs ou les grands cours d’eau. L’Anodonte des étangs Anodonta cygnea, seule grande moule considérée comme non-menacée en Suisse et présente dans le bassin genevois, figure parmi les espèces vulnérables de France (UICN Comité français et al., 2021).

Les menaces pesant sur les Bivalves sont diverses, mais le déclin ou la disparition des grandes moules d’eau douce ont essentiellement été causés par l’urbanisation et l’artificialisation des berges, concomitantes à la baisse de la qualité des eaux, notamment à cause de l’intensification de l’agriculture. Plus récemment, l’introduction d’espèces exotiques envahissantes complique également la donne, les Bivalves non-indigènes entrant en compétition directe avec les Unionidés en se fixant en grands nombres sur leur coquille, les empêchant de respirer et de se nourrir (Mulattieri & Luque, 2019).

Étude des Bivalves

Les coquilles de Bivalves morts, notamment celles des invasives qui pullulent, sont fréquemment retrouvées sur les berges planes des lacs. Pour les inventaires plus exhaustifs, les méthodes d’échantillonnage ciblé incluent la chasse à vue, mais surtout à l’épuisette et au filet troubleau. En eau profonde, la plongée est également une option. Dans les cours d’eau, le sédiment est ses habitants peut être étudié à l’aide d’une drague ou d’une benne (Cucherat & Demuynck, 2008).

L’identification des Bivalves peut se faire pour de nombreuses espèces par la morphologie externe de la coquille, mais l’examen de la charnière reste utile pour la détermination. Les toutes petites espèces sont plus simplement identifiées à la binoculaire après collecte.

Une Écrevisse américaine Faxonius limosus sur un substrat colonisé par la Moule zébrée Dreissena polymorpha (Dreissenidae)
CC-BY Ansgar Gruber

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Ressources pour l’identification

Bochut E. (2019). Bestimmungsschlüssel Mollusken Schweiz. info fauna – CSCF ; Musée d’histoire naturelle de Berne. [clef dichotomique (en allemand) en ligne et illustrée pour l’identification de tous les Mollusques de Suisse]

Références

Binder E. (1965). Un mollusque envahissant: la Dreissena polymorpha (Léman). Musées de Genève 54: 2-4.

Combes C., Kuiper J.G.J. & de Stefano Y. (1971). Écologie des espèces du genre Pisidium PF (Mollusques, Sphaeriidae) dans les étangs du Carlit (Pyrénées). Revue d’Écologie, Terre et Vie 1: 96-135.

Cucherat X. & Demuynck S. (2008). Les plans d’échantillonnage et les techniques de prélèvements des mollusques continentaux. MalaCo 5: 244-253.

GT IBMA (2017). Corbicula fluminalis. Base d’information sur les invasions biologiques en milieux aquatiques. Groupe de travail national Invasions biologiques en milieux aquatiques. UICN France et Agence française pour la biodiversité.

Haltiner L., Zhang H., Anneville O., de Ventura L., Deweber T., Hesselschwerdt J., Koss M., Rasconi S., Rothhaupt K.-O., Schick R., Schmidt B., Spaak P., Teiber-Siessegger P., Wessels M., Zeh M. & Dennis S. (2022). The distribution and spread of quagga mussels in perialpine lakes north of the Alps. Aquatic Invasions 17(2): 153-173.

Kupfer M. & Herold J.-P. (2021). Anodonta cygnea (Linnaeus, 1758). Données d’Observations pour la Reconnaissance et l’Identification de la faune et la flore Subaquatiques (DORIS).

Mulattieri P. & Luque J.-A. (2019). La folle invasion de la moule quagga. Lémaniques 113: 2-4.

Rüetschi J., Stucki P., Müller P., Vicentini H. & Claude F. (2012). Liste rouge Mollusques (gastéropodes et bivalves). Espèces menacées en Suisse, état 2010. Office fédéral de l’environnement, Berne, et Centre suisse de cartographie de la faune, Neuchâtel. L’environnement pratique no 1216, 148 pp.

UICN Comité français, OFB & MNHN (2021). La Liste rouge des espèces menacées en France – Chapitre Mollusques continentaux de France métropolitaine. Paris, France, 16 pp.